Compte rendu de Ciel à outrances – Centre PHI



Ciel à outrances

Une coproduction de Transthéâtre, Studio PHI et Headspace Studio

Où étiez-vous ce matin-là ?


La question posée par Ciel à outrances réfère au matin du 11 septembre 2001. Vous souvenez-vous où vous étiez ce jour-là, ou encore de ce que vous faisiez ? Ciel à outrances est une nouvelle expérience sonore immersive et poétique réalisée par Brigitte Poupart à partir de la suite poétique de Madeleine Monette du même nom. Du 17 février au 15 mai 2022, rendez-vous au Centre PHI pour parcourir cinq histoires à échelle humaine qui se déroulent en périphérie des événements du 11 septembre 2001.

L’histoire


Ciel à outrances est une coproduction de Transthéâtre, Studio PHI et Headspace Studio. Lors du parcours de 45 minutes, deux groupes allant jusqu’à quatre participant·e·s déambulent dans une pièce sombre recouverte de cendres et parsemée de débris. Ces derniers s’illuminent au fil du parcours, nous invitant à les découvrir de plus près. Horloge, journaux, téléphones, sièges de taxis et téléviseurs sont certains des objets personnels qui émergent des cendres. Chacun vient nous ancrer dans l’un des récits qui composent l’expérience.

Les cinq poèmes de Madeleine Monette choisis par Brigitte Poupart se concentrent sur des drames humains qui se déroulent en marge des événements du 11 septembre 2001. Une variété d’artistes prêtent leur voix pour lire les poèmes « Petite », « Seule », « Tatoué », « Élan vital » et « Le lait du ciel », soit Dany Laferrière, Micheline Lanctôt, FABjustfab, Isabel dos Santos, Betty Bonifassi, Rabah Aitouyahia, Douglas Grégoire, et Phoebe Greenberg, avec la collaboration de Madeleine Monette et de Rufus Wainwright. Les différents poèmes nous présentent comment cette même tragédie a pu être vécue par des personnes qui vivent leurs propres drames personnels : une veuve en deuil, une femme sur le point d’accoucher, etc. Malgré leurs différences, ces individus sont unis par le traumatisme collectif vécu à la suite d’une catastrophe. C’est là que nous les rejoignons.

Sans la mémoire, il n’y a pas d’imagination, et sans l’imagination rien ne peut restituer la mémoire. Ainsi, l’un ne va pas sans l’autre. Grâce à l’imagination qui procède de la mémoire, on peut imaginer l’avenir. De la solitude de son propre récit, on peut se soulager grâce à l’art de n’être au final jamais seul à se raconter la même histoire.”Brigitte Poupart


La technique


C’est dans le déroulement des cinq récits que la composante d’immersion sonore de l’expérience se fait remarquer : les différents effets personnels parsemés à travers les débris s’illuminent et invitent les visiteur·euse·s à s’en approcher et à découvrir les sons qu’ils émettent.

Ces sons sont spatialisés, ce qui veut dire que personne n’aura tout à fait la même trame sonore en accompagnement des poèmes, selon qu’on se rapproche plus ou moins des objets émetteurs. L’expérience de Ciel à outrances sera aussi unique pour chaque participant·e en ce sens que l’immersion ne passe pas — ou pas principalement — par la voie d’images, que ce soit par l’entremise d’un casque de réalité virtuelle ou augmentée ou grâce à du mapping vidéo. Ici, c’est plutôt l’interaction entre les sons, les objets et par l’imaginaire de tout un chacun qui vient donner forme aux cinq récits qui composent l’œuvre.

Le fait de se concentrer sur l’aspect sonore permet également à l’œuvre de dépendre d’un dispositif technique beaucoup plus léger que certaines expériences immersives présentées au Centre PHI par le passé. Il suffit d’enfiler un petit sac et un casque d’écoute. Ce dernier est muni du même type d’émetteur lumineux dont PHI Studio s’est servi pour permettre la navigation libre de L’infini. C’est ce qui permet à Ciel à outrances de capter les mouvements des participant·e·s et de leur permettre d’explorer le volume composé par les sons spatialisés.

Brigitte Poupart me raconte qu’une majorité des quatre ans de production du projet est allée vers la captation et la spatialisation des bruits qui viennent remplir le volume de l’expérience. Entre autres, il n’était pas facile de faire fonctionner ensemble les logiciels Wwise (utilisé pour le design sonore) et Unity (le moteur de jeu en temps réel qui a servi à programmer l’expérience).

L’expérience


Au terme de l’expérience, une fois l’équipement dûment rangé, on nous invite à prendre un morceau de craie afin de répondre à la question initiale : Où étiez-vous ce matin-là ? Pour ma part, j’étais à l’école, en cours de musique. Les réponses inscrites à même le mur du Centre PHI sont pleines de telles expériences anodines : à l’école, au travail, à la maison, devant la télévision, etc. D’autres réponses sont plus étonnantes : je n’étais pas encore né.

Curieux, j’ai demandé à Brigitte Poupart si elle avait considéré qu’une partie du public n’aurait aucun souvenir des événements du 11 septembre et si cela pouvait nuire à l’expérience. Celle-ci m’a répondu qu’il n’était pas nécessaire d’avoir des souvenirs précis de cet événement-là pour comprendre ou apprécier les histoires vécues par ces personnages : « J’ai choisi des personnages en périphérie de l’événement, parce que je pense que c’est plus facile de nous mettre dans cette même position. Nous avons aussi vécu en périphérie de cette expérience ». 

En effet, en se concentrant sur le drame humain, Ciel à outrances évite d’être limité au contexte des attentats du 11 septembre 2001. Chaque personne qui visite l’expérience peut sans doute tisser ses propres liens à une catastrophe qu’elle aurait vécue, de près ou de loin. Comme l’explique le site Web de l’expérience, qu’il s’agisse de l’attentat de Paris au Bataclan, de l’explosion au port de Beyrouth, ou même de la pandémie de COVID-19 : « Ces événements ont une portée encore bien ressentie à ce jour ».


L’utilisation primaire des sons joue un rôle tout aussi important dans ce caractère universel de Ciel à outrances. Plutôt que chercher à atteindre un réalisme absolu ou à reproduire exactement le contexte du 11 septembre 2001, le maillage des différentes trames sonores demande à chacun·e de compléter l’histoire en usant de son imagination.

Où étiez-vous ce jour-là ? Que faisiez-vous ?

Ciel à outrances est un voyage audio-immersif captivant de 45 minutes de cinq histoires fictives en marge des événements du 11 septembre 2001.

Centre PHI – Espace B, 315, Saint-Paul O, Montréal, H2Y 2M2

Du 17 février
au 15 mai 2022