Compte rendu de Tribeca Immersive – 10 au 19 juin 2022



Tribeca Immersive


Compte rendu rédigé par :

Philippe Bédard

Le festival du film de Tribeca s’est déroulé du 10–19 juin dernier. Considéré par plusieurs comme l’un des événements les plus importants de l’année pour le secteur de la XR, cette année le festival proposait trois grandes catégories : la compétition officielle, la compétition « New Voices » ainsi qu’une sélection d’œuvres qui se sont déjà méritées des éloges sur le circuit des festivals ces derniers mois. Parmi ces trois catégories, une dizaine d’œuvres étaient accessibles en ligne via le Museum of Other Realities (MOR).

C’est ainsi que j’ai visité le pavillon Tribeca Immersive du MOR — faute de pouvoir me rendre à New York en personne — pour vous proposer le compte rendu suivant.

La sélection

Contrairement à d’autres festivals et aux éditions passées du festival new-yorkais, cette fois-ci Tribeca s’est donné pour mission de proposer une sélection marquée par une cohérence thématique, soit une sélection « d’expériences qui abordent notre relation avec la nature, la société et avec nous-mêmes à travers l’art numérique et la technologie de pointe » (source). 

La compétition principale mettait en lumière les projets qui ont su combler l’écart entre la technologie et la narration, proposant des expériences innovantes et percutantes. On y retrouvait notamment Evolver, une collaboration entre le réalisateur Terrence Malick et les studios Atlas V et Marshmallow Laser Feast. L’expérience sonore immersive Intravene faisait également partie de la compétition.  Cette coproduction Canada–Royaume-Uni est l’une des premières expériences à sortir du programme d’échange « Immersive Exchange », le tout premier programme de coproduction canado-britannique en narration immersive (source).

Intravene (Darkfield, Crackdown, Brand Longfellow)

« New Voices » est une nouvelle catégorie en compétition au festival Tribeca qui récompense des projets venant d’artistes qui en sont à leur première ou deuxième création. Les œuvres réunies dans cette catégorie allaient de la réalité virtuelle (Plastisapiens, Ceci n’est pas une cérémonie, Planet City VR, etc.) à la réalité augmentée (Iago : The Green Eyed Monster, Emerging Radiance, etc.), en passant par des expériences plus difficiles à catégoriser. Par exemple, le LGBTQ+ VR Museum d’Antonia Forster et Thomas Terkildsen est décrit comme le premier musée virtuel pensé pour célébrer l’histoire et l’art de la communauté LGBTQ. La galerie regroupe autant des œuvres d’art créées par des artistes de la communauté que des objets personnels accompagnés de témoignages des individus auxquels ils appartiennent. L’œuvre s’est d’ailleurs mérité le premier prix « New Voices ».

LGBTQ+ VR Museum (Antonia Forster et Thomas Terkildsen)

En parallèle, le projet Black Movement Library – Movement Portraits de LaJuné McMillian proposait lui aussi de nouvelles manières d’accéder à des données et des expériences que l’on ne retrouverait pas dans une galerie, un musée ou une archive traditionnelle.  L’œuvre en question présente quatre portraits dansants d’artistes captés dans le cadre de la Black Movement Library. Ici, la capture de mouvement servait à documenter des façons bien particulières de bouger et de danser. Par le fait même, c’est une histoire personnelle, culturelle et partagée que le projet cherchait à documenter et à faire connaître.

Mémoire

En plus de ces deux projets qui souhaitaient présenter des collections d’artéfacts éphémères provenant de communautés marginalisées, il faut reconnaître que le lien au passé, à la mémoire et au souci de préservation étaitest un thème central de la sélection Tribeca Immersive 2022. Par exemple, End of Night du studio danois Makropol nous mène sur un trajet à travers les souvenirs d’un homme troublé par son passé lors de la Seconde Guerre mondiale. 

Ceci n’est pas une cérémonie (Ahnahksipiitaa)

Pour sa part, Emerging Radiance est une murale qui prend vie grâce à la réalité augmentée pour raconter l’histoire de trois survivant.e.s des incarcérations de japonais.e.s américain.e.s durant la Guerre. Finalement, Ceci n’est pas une cérémonie d’Ahnahksipiitaa (Colin Van Loon) invite le public à être témoin de deux histoires — parmi tant d’autres — des souffrances vécues par les peuples autochtones aux mains du gouvernement canadien. La question avec laquelle nous laisse l’expérience pourrait s’appliquer à tous ces autres projets qui traitent de mémoire : « Maintenant que vous savez, qu’est-ce que vous comptez faire à ce propos ? »

Futur

Une autre tendance dans la sélection immersive du festival en 2022 était le regard vers le futur. Bien sûr, quand il est question de technologies immersives, il ne faut pas s’étonner que la science-fiction et la prospection soient au menu. En l’occurrence, les deux projets les plus futuristes traitaient de questions qui nous touchent aussi aujourd’hui. Planet City, par exemple, imagine un futur lointain où tous les 10 millions d’habitant.e.s de la Terre se seraient relocalisé.e.s dans une seule ville pour laisser le reste de la planète retourner à son état naturel.


Pour leur part, l’Office national du film du Canada, Dpt. et Lalibela présentaient la première de Plastisapiens, une « écofiction surréaliste » qui nous demande d’imaginer un futur où l’humain aurait évolué en raison de l’impact des plastiques que nous consommons, respirons et buvons déjà tous les jours. Bien qu’on pourrait s’attendre à un traitement dystopique du sujet, le ton est méditatif, voire ludique. Le projet nous invite à trouver de la quiétude dans ce nouveau monde et à nous approprier ce nouveau corps devenu plastique. 

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Plastisapiens (Office national du film du Canada, Dpt. et Lalibela)

Le festival

Récemment, le festival Tribeca s’est doté d’une nouvelle directrice de programmation pour sa section immersive. Ana Brzezińska reprend ainsi le flambeau de Loren Hammonds. Alors qu’elle travaillait chez Kaleidoscope, Brzezińska a accompagné plusieurs festivals et événements dans leur transition vers le virtuel, notamment en collaboration avec le MOR. C’est sous sa gouverne que les festivals VIFF, Cannes XR, Tribeca, et NewImages, de même que la collection « Immersive Arcade » et la « Collection Canadienne » furent présentés sur cette plateforme virtuelle indépendante.

Or, deux ans après le virage virtuel, il ne serait pas surprenant de voir que Tribeca est l’un des derniers festivals à proposer une partie de sa sélection en ligne. Et bien que l’idée de revenir à des événements 100 % présentiels ait ses avantages, je ne peux pas m’empêcher de regretter la fin de cette pratique. La fin des festivals virtuels et des événements satellites marque aussi pour moi la fin d’une période d’accessibilité inégalée à des contenus de qualité, dont certains ne seront plus accessibles hors du circuit des festivals.

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Festival Tribeca – Exposition virtuelle