Playtime, réalisé par Catherine Bazinet, Maxime Boisvert, Ronan Le Gall, Alexis Maher et Charles Tétreault



Playtime

réalisé par Catherine Bazinet, Maxime Boisvert, Ronan Le Gall, Alexis Maher et Charles Tétreault.


Propos recueillis par :

Philippe Bédard
Marine Leparc

Entretien réalisé avec Maxime Boisvert et Catherine Bazinet.

Sélectionné par le Festival nouveau Cinéma (FNC) en 2019, Playtime est un projet étudiant réalisé Catherine Bazinet, Maxime Boisvert, Ronan Le Gall, Alexis Maher et Charles Tétreault comme projet final du cours Environnements immersifs et interactivité à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). L’expérience qui était présentée du 11 au 20 octobre 2019 dans le cadre de la sélection FNC Explore s’est d’ailleurs vue décerné le prix de la relève étudiante, présenté par .

Playtime nous transporte vers des univers issus de l’imaginaire des enfants. Quand l’enfant voyage vers un autre monde, les murs n’existent plus, les objets prennent vie et des couleurs infinies s’affichent dans les yeux de ceux qui osent imaginer.

Dans Playtime, deux participant.e.s prennent part à une session de jeu qui met en scène l’imaginaire caractéristique des enfants. Or, l’expérience est asymétrique. Alors qu’une personne porte un casque HTC VIVE qui la plonge dans l’univers d’un enfant, l’autre personne reste ancrée dans le monde réel et participe à l’expérience en manipulant une sorte de baguette magique (un VIVE Tracker fixé à un monopode). Tel un ami imaginaire, cette deuxième personne interagit avec l’enfant de manière désincarnée. L’individu qui porte le casque ne voit pas l’autre personne, mais découvre plutôt de petites actions créées comme par magie dans l’univers, sans savoir qu’elles viennent en fait de l’autre personne.

L’expérience est ludique. L’objectif n’est pas de gagner, mais plutôt d’explorer. Maxime Boisvert


Tout au long de l’œuvre, les participant.e.s peuvent marcher ou ramper sur le tapis de mousse qui délimite l’espace de jeu. Plutôt que faire appel à la téléportation pour se déplacer, la personne qui porte le casque peut se rendre dans la petite tente placée devant elle et ainsi être transportée dans différents mondes imaginaires. Comme l’explique Maxime Boisvert, « le thème de l’enfance nous a permis d’aller chercher des éléments culturels communs pour tout le monde ». Même si le projet n’a pas été créé à l’intention des enfants, clarifie-t-il, «l’intention de tout le projet était de ramener les gens en enfance».

Même si elle évoque le thème du jeu, Playtime n’a pas d’objectifs propres, pas de règles écrites ni de durée. Certaines personnes peuvent y passer 20 minutes, alors que d’autres n’en prendront que 5. Tous peuvent s’approprier l’expérience et explorer les différents mondes fantastiques à leur guise.

Un jeu d’enfant


Le thème de l’enfance n’est pourtant pas ce qui a lancé le projet. C’est plutôt d’une exigence de cours et d’un dispositif technique particulier que l’idée est venue à l’équipe. Playtime fut effectivement créé comme projet final du cours Environnements immersifs et interactivité, donné à l’UQAM dans le cadre du Baccalauréat en communication, profil Médias interactifs. Pour mettre en contexte la création de Playtime, Catherine Bazinet nous explique la structure du cours en question : « Un premier travail nous avait demandé de travailler l’immersion sans utiliser la réalité virtuelle. Par la suite, notre travail final était de s’approprier le casque de réalité virtuelle ».

En devant penser l’immersion au-delà des casques de réalité virtuelle — en l’occurrence, en créant un premier projet pour dôme — l’équipe s’est ouverte à différentes façons d’amener le public à habiter un espace : « On savait dès le départ que l’on voulait travailler avec une dimension plus grande, parce qu’on est habitués de travailler avec les gens, on est habitués de faire rencontrer les gens, de les faire connecter. On a eu l’idée de faire rassembler les gens malgré le fait que le casque de réalité virtuelle peut nous isoler », ajoute-t-elle.

Ayant libre choix du matériel pour leur projet final, Catherine Bazinet avoue que la décision du système HTC VIVE s’est faite naturellement, spécifiquement à cause de la possibilité d’ajouter un Tracker : « le choix d’utiliser un Tracker est une force du projet » opine-t-elle. Partant de ce Tracker, l’équipe a cherché ce qu’il était possible de faire. Maxime Boisvert explique que plusieurs options furent testées, comme celle de placer le Tracker sur une casquette. Ultimement, la solution choisie fut celle de fixer le Tracker au bout d’une tige que pourrait manipuler la personne qui ne portait pas le casque.

C’est ce qui a permis de créer une œuvre pour deux personnes qui arrive à décloisonner, un tant soit peu, l’expérience de la réalité virtuelle. « La personne [qui représente l’ami imaginaire] pouvait, par ses déplacements, interagir avec la personne avec le casque. Soit pour accentuer ou aider l’expérience de la personne avec le casque » explique justement Catherine Bazinet.

Un jeu pour tous


L’équipe insiste également sur l’objectif d’accessibilité de leur œuvre. À cet effet, Catherine Bazinet explique : « On voulait détruire tout ce qui n’était pas naturel en réalité virtuelle. On voulait éviter que les gens se sentent mal à l’aise ». L’un des facteurs importants à considérer était la manière de se déplacer. « On ne voulait vraiment pas utiliser la téléportation », explique Catherine Bazinet. « On s’est lancé un grand défi et c’est comme ça qu’on est arrivé à l’idée de la tente. »

Pour éviter de causer de la nausée à travers les modes de déplacement qu’utilise habituellement la réalité virtuelle, l’équipe a plutôt opté pour des déplacements physiques dans la petite aire de jeu désignée par les tapis de mousse. Les tapis servent donc une double fonction. En plus de délimiter l’aire de jeu, ils permettent de faire le pont entre les environnements physique et virtuel : on se sent ancré dans un monde comme dans l’autre. C’est simplement en se rendant dans la petite tente et en choisissant une des baguettes magiques qui s’y trouve qu’on est transporté vers un des différents mondes imaginaires.»

On voulait détruire tout ce qui n’était pas naturel en réalité virtuelle » — Catherine Bazinet


En testant cette solution eux-mêmes, les membres de l’équipe ont pu confirmer que cette façon de se déplacer ne causait pas de nausée, et ce, même chez Catherine Bazinet, qui s’avoue très sensible à ce genre de malaise. En nous expliquant leur processus créatif, celle-ci souligne l’utilité d’avoir pu travailler en groupe et comment cela a facilité les changements itératifs au moment du prototypage : « On s’est habitués à avoir un casque et travailler chacun son tour et vraiment échanger », mentionne-t-elle, « et même d’avoir l’aide de quelqu’un d’autre (une personne dans le casque qui nous indique qu’est-ce qu’il y a à changer et l’autre personne est à l’ordinateur pour faire les changements). » Cette boucle de travail (prototypage, test, itération, et ainsi de suite) a été d’autant plus bénéfique que chacun des membres de l’équipe pouvait apporter son expertise (modélisation, direction artistique, etc.). Finalement, cette dynamique d’équipe leur a permis de travailler rapidement et de compléter le projet en un peu plus d’un mois.

L’expérience fut également testée avec des membres de la famille de tous âges pour valider la facilité d’utilisation. « C’est fun d’avoir eu des gens dans l’équipe qui avaient différentes sensibilités, différentes approches », explique Maxime Boisvert, « mais dès que le projet s’est terminé j’ai fait essayer le projet à ma famille pour avoir leur impression : “Est-ce que c’est facile pour toi?” Faire le test après la production ça nous amène des idées pour les prochains projets. On prend des notes sur comment les gens interagissent. » Comme exemple de ce travail d’adaptation qui vient en testant avec des gens de différents niveaux de familiarité, Maxime Boisvert raconte le moment, lors de l’exposition, où ils ont fait essayer Playtime à l’une de leurs grand-mères. Malgré sa mobilité réduite, celle-ci a pu apprécier l’expérience avec un peu d’aide de l’équipe.

C’est quelque chose qu’on avait bien jaugé pendant la production, de rendre le projet accessible à tout le monde. On était content le jour de la présentation de pouvoir le faire, d’avoir fait assez de tests, d’avoir gardé l’esprit ouvert sur toutes les caractéristiques de notre public pour pouvoir le présenter et que ce soit agréable pour tout le monde — Maxime Boisvert


Lors de sa présentation au Festival du Nouveau Cinéma à l’automne 2019, une centaine de participants de 7 à 77 ans ont pu essayer Playtime. Même si l’œuvre est ouverte à des gens de tous âges et de tous les niveaux de familiarité avec la réalité virtuelle, l’équipe derrière Playtime juge que l’expérience est de loin plus agréable quand elle est vécue par des gens qui se connaissent déjà. « Les gens sont encore timides », nous expliquait Catherine Bazinet : « Les casques de réalité virtuelle, c’est encore peu naturel pour la majorité des gens. C’est plus facile de s’approprier le médium au travers du jeu. Dès que les deux personnes se connaissaient, le dialogue était beaucoup plus ouvert, les gens s’amusaient plus à jouer, à entrer dans le jeu plutôt qu’essayer de “faire la bonne chose” ».

L’après-FNC


Au final, Playtime s’est vu décerné le prix de la relève étudiante du FNC. Cette reconnaissance est d’autant plus précieuse qu’elle aura ouvert des portes à l’équipe. Cela leur a permis, par exemple, d’aller présenter le projet le 19 novembre 2019 devant le public d’HUB Montréal (18–21 novembre 2019) dans le cadre d’un panel intitulé « Nouveaux conquérants ».

« On a été invités avec l’UQAM à aller présenter notre projet et expliquer comment on l’a développé en se basant sur les outils qu’on a acquis à l’UQAM, comment on a été capable d’aller le présenter au FNC, comment on a été capable d’exporter le projet en exposition » nous racontait Maxime Boisvert : « On s’est beaucoup concentré sur les défis et les opportunités que [le projet] nous a apportés, par exemple le Tracker. C’est un défi : comment est-ce qu’on peut mieux l’optimiser, comment est-ce qu’on peut mieux s’en servir d’une façon originale qui vient combler un défi ».

Depuis le FNC et HUB Montréal, les membres de l’équipe ont pu continuer leurs projets personnels tout en poursuivant leurs études. Lors de Montréal en Lumière, par exemple, ils ont pu présenter deux projets sur la Place des Festivals du Quartier des Spectacles. Dans le cadre d’une collaboration entre le Partenariat du Quartier des spectacles, le Festival Montréal en Lumière, Moment Factory et Montréal Joue, des étudiants de l’UQAM étaient appelés à conceptualiser et à réaliser des œuvres lumineuses et interactives. Deux des projets de l’équipe derrière Playtime furent sélectionnés et présentés du 20 février au 1er mars 2020. Il s’agit de NOTICIA (Alexis Maher, Charles Tétreault et Catherine Bazinet) et DI[REC]T (Maxime Boisvert et Ronan Le Gall). Retrouvez les deux projets ICI.