Tourné vers l’Horizon
Crédit photo: Horizon à Beacon Park – Détroit © Downtown Detroit Partnership
Étude de cas réalisée par :
Entretiens réalisés avec Alexandre Lemieux, Sonia Pépin et Olivier Landreville
DÉFI : Créer une installation interactive reposante pour garnir le catalogue d’un exportateur d’œuvres numériques destinées aux espaces publics de partout dans le monde.
ACTEURS : Init, une entreprise spécialisée dans la création et la fabrication d’installations participatives itinérantes, Olivier Landreville, scénographe de renom et Serge Maheu à la programmation sonore et lumineuse.
CAS : Horizon, une installation ornée de lumières LED préprogrammées qui offre à l’utilisateur un moment de quiétude, en se berçant doucement dans un cocon au rythme d’une ambiance sonore envoûtante.
SOLUTION : Profiter d’un atelier qui permet la création de prototypes, choisir des matériaux esthétiques et résistants aux changements de température, travailler avec des fabricants expérimentés et passionnés.
Le scénographe Olivier Landreville possède une feuille de route pour le moins impressionnante. Au fil d’une carrière de plus de 30 ans, il a signé des décors pour le théâtre, le cirque, l’opéra et la télévision, remportant quatre Prix Gémeaux au passage.
Parmi ses réalisations, il accorde toutefois une importance particulière à Horizon, entre ciel et terre, une installation interactive conçue avec l’équipe d’Init.
« En tant que scénographe, je suis habitué d’être au service d’une œuvre, explique-t-il. Mais pour Horizon, c’est une œuvre qui vient de moi. (…) Elle est unique et c’est une source de fierté ».
Depuis son lancement en 2023, la création d’Olivier Landreville fait tourner bien des têtes. Elle a décroché une nomination aux PRIX NUMIX dans la catégorie « In Situ – Installation » et a percé le top 100 du classement de CODAawards.
Au commencement, il y avait Creos
Revenons en arrière pour voir comment ce projet a vu le jour.
Alexandre Lemieux est directeur du développement des affaires et cofondateur de Creos, une entreprise familiale fondée en 2015. « On a remarqué qu’il y avait beaucoup d’installations interactives présentées à Montréal, mais qui restaient à Montréal, raconte-t-il. Il n’y avait pas nécessairement de maintenance, d’entretien ou de vision pour faire circuler les œuvres une fois leur première présentation effectuée.»
C’est alors que leur plan d’affaires a pris forme: « rendre accessibles ces installations dans d’autres marchés, hors Montréal, que ce soit ailleurs au Canada ou à l’international ». Ce faisant, l’équipe de Creos a dû devenir experte « de tout ce qui entoure la créativité: la logistique, la production, l’entreposage, les assurances. »
Petit à petit, l’entreprise a pris du galon, chaque nouvelle exposition permettant de faire connaître les œuvres et ouvrant la porte à de nouvelles présentations ailleurs. « On a développé notre réseau, marché par marché, segment par segment », se rappelle Alexandre. À un point tel qu’aujourd’hui, l’un des principaux défis de l’entreprise « c’est de toujours trouver de nouvelles idées afin de bien garnir notre portfolio d’installations pour répondre à la demande grandissante, année après année. »
Ensuite, il y eut Init
C’est justement pour cette raison qu’Init a été lancé en 2019.
Init est spécialisée dans la fabrication d’installations interactives pour les espaces publics. Depuis sa fondation, le studio a produit six œuvres qui ont rejoint le portfolio de Creos.
« Des installations participatives, tu n’en fais pas 22 par année, lance Sonia Pépin, cofondatrice de Creos. Ça coûte des sous, et il faut surtout avoir LA bonne idée ! »
Pour signer ces créations, l’équipe d’Init travaille de concert avec des créateur.rice.s d’ici et d’ailleurs. « Le succès, c’est la collaboration avec les artistes, relate Sonia Pépin »
Et c’est ici que les chemins d’Olivier Landreville et la grande famille d’Init et Creos se sont croisés. « Ils m’ont appelé parce qu’ils cherchaient des créateurs pour ajouter des œuvres à leur catalogue, se souvient Olivier Landreville. En pandémie, les arts de la scène étaient en suspens, donc j’avais du temps. »
Rapidement, le courant passe entre le scénographe et l’entreprise basée à Saint-Bruno-de-Montarville. « À date, dans leur catalogue, il y a trois œuvres que j’ai signées. Et j’attends juste qu’ils me le redemandent! Un, c’est toujours agréable de travailler avec eux. Deux, ce sont de beaux défis… Et trois, j’ai toujours de nouvelles idées! »
Les défis des installations en espace public
La conception d’installations interactives en espace public comporte une multitude de défis. Pour l’équipe d’Init, il faut d’abord et avant tout que les créations soient engageantes et suscitent des émotions.
Qui plus est, les installations doivent être faciles à déplacer dans différents lieux, tout en étant robustes. Alexandre Lemieux note que les pièces qui constituent le catalogue de Creos doivent normalement être en mesure de circuler pendant 10 ans.
Or, les conditions d’exposition ne sont pas toujours les plus accueillantes. Olivier Landreville le rappelle : « Les œuvres doivent vivre de -40 degrés Celsius à +40 degrés Celsius, et être assez sécuritaires et faciles d’utilisation pour être appréciées du public sans avoir besoin de médiateur. »
Le cas d’Horizon
« Notre principal défi avec Horizon était que nous avions l’habitude de créer des installations qui incitent les gens à bouger, relate Alexandre Lemieux. Cette fois-ci, on voulait proposer un projet qui ferait ralentir les gens. Quelque chose qui fait davantage réfléchir. »
Pour ce faire, Olivier Landreville s’est plongé dans ses souvenirs de jeunesse. Il voulait reproduire le sentiment d’émerveillement qui habite les enfants quand ils se couchent sur l’herbe pour regarder la voûte céleste ou la canopée.
Ainsi, pour faire vivre, ou revivre, cette émotion, il a imaginé des fauteuils berçants, munis de haut-parleurs encastrés et chapeautés par des dômes ornés de lumières LED.
Au total, ce sont cinq unités qui ont été fabriquées avec la collaboration de Maintenance Industries Meca-Fab inc. et Escouade l’Atelier. Or, comme le mentionne Olivier Landreville, « ça demande beaucoup d’itérations avant d’arriver au produit final. » Il faut comprendre que des œuvres comme Horizon sont uniques. Il n’y a pas vraiment de manuel ou de recette à suivre pour les réaliser. « Les défis sont souvent au niveau technique, qu’on pense à des petites choses comme l’angle ou la largeur du banc pour être confortable, trouver les bons matériaux, etc. »
Pour construire la structure de base de l’installation, le scénographe et l’équipe d’Init se sont tournés vers le frêne. Olivier Landreville explique ce choix en soulignant que « les arceaux de bois apportent une chaleur à l’œuvre et facilitent l’impression d’être dans un cocon. » De surcroît, le matériel employé provient d’arbres montréalais qui ont été coupés en raison de l’agrile du frêne. En faire un mobilier urbain constitue un bel exemple de recyclage.
L’art de la technologie
En ce qui concerne l’emploi du numérique dans leurs créations, l’équipe d’Init a une ligne directrice claire. « Quand on crée une installation, on a le souci d’utiliser des technologies numériques pour faire vivre une expérience, mais sans que ça soit trop apparent, explique Sonia Pépin. On ne veut pas que l’utilisateur sente la technologie, on veut qu’il la ressente. »
Horizon se veut un bel exemple de cette façon de penser. « Les lumières LED permettent à la fois d’éclairer l’installation, mais lui procurent aussi une certaine trame narrative, relate Olivier Landreville. Pour accentuer le côté immersif, on a cherché à incorporer le son le plus près possible de la tête, dans le banc. On voulait que ça soit seulement l’utilisateur qui puisse entendre l’ambiance sonore. »
Au sujet de ces éléments technologiques, le scénographe tenait à chanter les louanges de son collaborateur : « Il faut que je mentionne l’apport incroyable de Serge Maheu, pour créer toute la programmation LED et la bande sonore. »
Une première en guise de conclusion
C’est au Beacon Park à Détroit qu’a eu lieu la première mondiale d’Horizon en septembre 2023. Laura Dean, directrice des parcs et des programmes d’espaces publics au Downtown Detroit Partnership, n’avait que des bons mots pour le travail d’Olivier Landreville et d’Init : « L’art public dynamise nos parcs et nos espaces publics, indiqua-t-elle. Horizon s’inscrit non seulement dans notre mission de relier les gens, les lieux et les parcs, mais il encourage également les visiteurs à imaginer un lieu plus grand qu’eux-mêmes. »
Rappelons-le, l’équipe de Creos fait circuler des œuvres d’ici partout dans le monde. Alexandre Lemieux remarque d’ailleurs que nos créateurs ont une très bonne réputation hors de nos frontières. « Au niveau international, il y a une confiance quand un projet vient du Québec, relate le cofondateur de Creos. Ça fait plusieurs années que l’écosystème d’ici développe ses standards de qualité ». Il ajoute : « Quand on voit toute la créativité qu’il y a ici, c’est inspirant. »
À n’en point douter, ce sentiment peut être partagé par la communauté de l’Effet Québec, qui peut se tourner vers le travail d’Olivier Landreville et des équipes d’Init et Creos en guise d’inspiration.