Résonances boréales, une idée folle qui voyage de Yellowknife à Shanghai.
Étude de cas réalisée par :
Entretien réalisé avec Pascal Pelletier, président et producteur, Fig55 et Hubblo Immersion.
DÉFI : Faire voyager une œuvre immersive québécoise à travers le monde.
ACTEURS : Fig55 est une boîte de production montréalaise mise sur pied par Pascal Pelletier en 2006 et considérée comme pionnière du développement et de la création d’œuvres immersives impliquant les technologies numériques. Elle a produit plus d’une trentaine d’œuvres depuis sa création, comme Harmonielhere – Innere Musik (gagnant d’un prix Numix), Territoires des Amériques, Partita for 8 Voices et -22.7.
CAS : Résonances boréales, une production de Fig55, est un spectacle qui associe un film immersif à 360 degrés, aux compositions du pianiste Roman Zavada. Présentée pour la première fois en 2016 à la Société des arts technologiques (SAT) dans le cadre du festival MONTRÉAL EN LUMIÈRE, Résonances boréales est un projet tout droit sorti de la tête de Roman Zavada. Il s’est tout d’abord rendu à Yellowknife pour enregistrer des improvisations musicales inspirées par le spectacle des aurores boréales et y est ensuite retourné avec une petite équipe de tournage pour capter – en temps réel – ces aurores avec un dispositif composé de cinq caméras.
SOLUTION : Contribuer au développement d’une chaîne de valeur solide pour le secteur des expériences immersives grâce à la fondation de Hubblo, le premier pôle québécois exclusivement dédié aux œuvres 360 (full dome), aux installations immersives, aux expériences interactives, et à la réalité virtuelle et augmentée, pour en faire la distribution et en appuyer la diffusion, en Amérique du Nord et à l’international.
Aider une œuvre immersive singulière à trouver son public potentiel
Roman a eu l’idée folle de prendre un piano – il l’a trouvé avec un de ses amis à Yellowknife – l’a installé sur une plateforme cachée dans le fin fond des bois à près de quarante-cinq minutes de la civilisation, puis pendant deux semaines, à la tombée du jour, il a composé la musique de son projet sous les aurores boréales. Il savait que je produisais des œuvres immersives 360 degrés – j’en avais produit une avec l’OSM – il m’a donc approché en 2015 pour une coproduction et lui trouver un financement pour réaliser son rêve. À l’époque, je savais que le financement pour ce genre d’œuvre était très difficile à obtenir. On a donc financé nous-mêmes le projet. Chacun de notre côté, on en a trouvé la moitié et on a pu envoyer une équipe tourner avec lui. On est retourné exactement au même endroit où il avait composé l’album et, pendant le même nombre de jours et de nuits, on a filmé les aurores boréales avec une équipe de deux personnes. — Pascal Pelletier
Résonances boréales a été présenté à guichets fermés à la SAT et a ensuite voyagé au Québec et aux États-Unis, mais l’objectif ultime était le marché asiatique. Mais pourquoi l’Asie?
La réponse est simple. À l’endroit où le film a été tourné, il y a un site où les gens peuvent camper ; et la majorité des touristes qui s’y rendent, sont des Coréens et des Japonais. — Pascal Pelletier
En outre, ils sont réputés être de grands mélomanes particulièrement attirés par la musique néo-classique.
Le défi : pénétrer le marché asiatique
Il a fallu environ deux ans à Fig55 pour empocher un contrat important avec la Corée du Sud. C’est un marché qu’il faut aborder avec patience, en raison notamment de la distance entre le Québec et là-bas, l’obstacle de la langue et la difficulté à trouver un coproducteur local, une composante incontournable à la réussite d’un projet.
Cela dit, l’élément déclencheur fut sans doute la présentation de Résonances boréales dans le cadre des deux vitrines créatives de l’Effet Québec en Asie, soit celle de Shanghai en janvier 2018 et celle de Tokyo en décembre 2019.
« C’est le seul endroit au monde où on a présenté le projet (2018) et où les gens sortaient de là en pleurant. C’était particulier! Et c’est à ce moment-là qu’on s’est vraiment rendu compte que ce projet avait un succès potentiel en Asie ».
L’œuvre devait donc être présentée au public sud-coréen au début de l’année 2020 lors d’un festival. Mais malheureusement, « la pandémie est arrivée… l’histoire s’est donc arrêtée là », raconte Pascal Pelletier.
Mais ce n’était que partie remise. Depuis, les discussions avec des acheteurs asiatiques, notamment en Chine et en Corée du Sud, ont repris et d’autres sont en cours avec l’Allemagne – relations appuyées par la Délégation générale du Québec à Berlin.
La chaîne de valeur sectorielle des expériences immersives
Les films immersifs pour dômes 360° sont difficiles à financer et encore plus à distribuer, et ce notamment à cause de l’absence de chaînes de valeurs sectorielles aux ancrages forts comme ceux du cinéma et de la production télévisuelle.
Dans ce secteur d’activités, les sociétés de distribution et de diffusion (chaînes de télévision, vidéo sur demande, services de streaming, etc.) forment un maillon clé du marché de la présentation des œuvres. Tandis que dans le secteur des expériences immersives, on trouve, au Québec du moins, très peu de distributeurs et de lieux de diffusion pour ce type d’œuvres.
Et pourtant, le secteur de la production d’œuvres immersives au Québec, et à Montréal en particulier, poussé par l’impulsion d’une SAT pionnière, est reconnu sur la scène internationale comme un des meilleurs centres de production d’œuvres immersives au monde. Ce n’est pas par hasard que la ville fut choisie pour présenter Imersa 2022, le sommet annuel d’un réseau mondial de professionnels des expériences immersives de groupe.
La solution : Hubblo Immersion
Ces constats, de même que l’interruption temporaire de l’aventure asiatique de Résonances boréales, ont amené Pascal Pelletier et son partenaire Jean-Philippe Turgeon, à fonder Hubblo Immersion en 2021 dans le but de distribuer et de diffuser les œuvres immersives des créateur.rice.s d’ici dans le monde entier.
« Je voulais créer une compagnie qui séparerait la production et la distribution, mais aussi avoir une équipe dédiée afin de maximiser les ventes et représenter des films d’autres producteurs sur les marchés internationaux », explique Pascal Pelletier.
Depuis sa fondation, des œuvres du catalogue Hubblo ont une carrière internationale déjà bien engagée. Grâce à leur notoriété, des exemples comme Bébé symphonique (GSI Musique) et Monde de glace (ONF), ont commencé à s’immiscer au sein des cycles de programmation – pourtant planifiés deux ans à l’avance – de planétariums à l’étranger.
Avec son offre à deux volets, la distribution sous licence d’œuvres immersives et la diffusion avec dômes mobiles autonomes ou équipement de lunettes de réalité virtuelle, Hubblo met son expérience unique en production de films 360° et son solide réseau de contacts à l’international au service de l’industrie de la production d’œuvres immersives.
Résonances boréales est une oeuvre singulière à plus d’un titre ; première captation d’aurores boréales avec une caméra 360 degrés, elle se distingue de la plupart des projets pour dômes par son approche narrative, une singularité partagée par plusieurs oeuvres québécoises dans ce domaine.
Hubblo Immersion est également une création singulière pour le secteur des expériences immersives : la mise sur pied d’une entreprise dédiée à la distribution constitue un premier pas important vers le renforcement de la chaîne de valeur sectorielle.