SOLSTICE par Iregular



Étude de cas

Iregular

@Iregular, crédit photo : Lawrence Elizabeth Knox, 2022


Étude de cas réalisée par :

Danielle Desjardins, La Fabrique de sens

Entretien réalisé avec Daniel Iregui, fondateur et créateur, Iregular.

DÉFI : Transformer un projet qui a passé trois ans sous la forme de fichier PDF en une pièce interactive d’une longueur d’à peu près 75 mètres qui prend vie grâce à la participation et la collaboration de son public.

ACTEURS : Iregular est un studio d’art numérique fondé à Montréal en 2010 qui crée des installations audiovisuelles, des sculptures à grande échelle, des projections architecturales et des scénographies, tout en mettant l’accent sur les expériences interactives et immersives.

CAS : SOLSTICE est une installation interactive monumentale qui invite le public à exercer un contrôle sur son environnement immédiat.

SOLUTION : Ne pas renoncer au concept de SOLSTICE et trouver un coproducteur prêt à repousser les limites de l’art numérique typique constitué de projections et d’écrans.

@Iregular, crédit photo : Lawrence Elizabeth Knox, 2022
@Iregular, crédit photo : Lawrence Elizabeth Knox, 2022

En 2019, Iregular – avec son projet SOLSTICE – a été l’un des quatre finalistes du concours de Luminothérapie pour les expériences interactives originales sur le thème de l’hiver devant être installées dans le Quartier des Spectacles de Montréal.

« Lorsqu’on est finaliste », explique Daniel Iregui, fondateur d’Iregular, « on vous donne un budget pour perfectionner le projet. Par perfectionner, je veux dire le concevoir au millimètre près. Donc, en fait, on a créé du prêt-à-construire ».

« Malheureusement, nous n’avons pas gagné le concours », ajoute-t-il. « Donc, SOLSTICE est demeuré à l’état de fichier PDF pendant trois ans ».

Malgré cet échec, Iregular n’a pas renoncé à SOLSTICE. « Nous croyions en ce projet, et nous tentions de trouver moyen de la faire aboutir ». Lorsque Discovery Green, un parc privé de Houston au Texas qui présente beaucoup d’œuvres interactives, était à la recherche d’une installation pour marquer son quinzième anniversaire, Iregular a été invité à présenter SOLSTICE, grâce au Weingarten Art Group, une société de conseil en art qui sélectionne des œuvres d’art pour ses clients.

Bien que SOLSTICE n’avait jamais existé concrètement, Discovery Green a adoré le projet, mais ne pouvait pas fournir le budget nécessaire à sa construction.

Cela n’a pas freiné Daniel et son équipe. Pas plus que le fait que SOLSTICE devait être présenté sur ce que Daniel appelle un écran déconstruit – « des cadres de lumière fabriqués sur mesure qui sont disposés de façon éclatée, pour ainsi dire, dans un espace public –, une manière totalement différente pour l’entreprise de travailler ».

« Quatre-vingt-dix pour cent des œuvres d’Iregular sont conçues en vue d’une projection ou d’une présentation sur écrans DEL », affirme Daniel. « Nous excellons en matière de logiciels. Nous avons développé une très bonne expertise en production et en déploiement de logiciels. Notre travail prend essentiellement la forme de logiciels présentés sur écran ».

La concrétisation de SOLSTICE

Iregular a conclu un partenariat avec Jack World, une entreprise spécialisée dans la conception et la réalisation d’œuvres interactives pour les espaces publics. « En fait, ce sont d’excellents fabricants et nous nous sommes très bien entendus dès le début ».

Les deux studios sont devenus coproducteurs et ont entrepris en quelque sorte une mission pour faire de SOLSTICE une réalité. Ils ont investi la somme offerte par Discovery Green pour la présentation de l’œuvre (qui représentait près d’un quart du budget) et ont affronté ensemble les nombreux défis qui se sont présentés.

« Le débogage d’œuvres d’art physiques est très différent du débogage d’œuvres d’art virtuelles. Lorsqu’on débogue un logiciel, on le modifie, on en a le contrôle. C’est peut-être difficile, mais on le fait. C’est très différent pour un objet physique. Il faut se déplacer, puis déplacer l’objet lui-même et puis se procurer les matériaux nécessaires. Les prix fluctuent et c’était l’époque de l’économie COVID… le prix de l’acier variait d’un jour à l’autre ».

Daniel Iregui

SOLSTICE : l’expérience

SOLSTICE incarne la philosophie d’Iregular, qui associe l’interaction et l’expérience du public pour refléter et transmettre certaines notions et enseignements. Conçu de façon à perturber notre perception du monde environnant, SOLSTICE nous fait perdre la notion du lieu où nous nous trouvons réellement, quelque part entre les reflets, les dimensions parallèles et la réalité. Une série de cadres de la taille d’une porte mènent à un appareil central rotatif et lumineux : le soleil. De grands miroirs se faisant face sont placés parallèlement aux cadres, prolongeant l’espace d’une infinité de reflets. L’ensemble des cadres et des miroirs s’illumine grâce à un éclairage contrôlable. De plus, chaque cadre est équipé de haut-parleurs intégrés qui diffusent une ambiance sonore réactive1.

Comme l’explique son créateur, SOLSTICE est une expérience unique à laquelle les personnes qui en ont fait l’expérience ont réagi de manières inattendues : « Fondamentalement, nous tenions à créer un espace à l’intérieur d’un plus grand espace, un lieu dans une place publique dans lequel on entre d’un coup. On sent que l’on entre grâce à un son et une lumière ; le son nous immerge ».

« Nous avons donc créé cet espace, mais nous n’avions pas prévu que les passants s’y attarderaient. Nous pensions qu’il s’agirait simplement d’un lieu de passage. Mais, je suppose que la synthèse du son et de la lumière et les éléments de la scénographie ont fait que les visiteurs sont restés longtemps sur place ».

« Ainsi, SOLSTICE, plutôt que d’être une structure que l’on franchit, est devenu un espace où l’on s’attarde, que l’on explore et où l’on vit l’expérience dans son ensemble ».

Daniel Iregui
@Iregular, crédit photo : Lawrence Elizabeth Knox, 2022

Viser l’international et investir tous les espaces publics du monde

Au moment de fonder Iregular il y a 13 ans, Daniel avait pour premier objectif de disposer d’un studio où il pourrait créer des œuvres d’art qu’il pourrait présenter à un public aussi vaste que possible. Il voulait également que ces œuvres soient interactives. « Je suis programmeur, musicien et graphiste. Les installations interactives m’ont permis de conjuguer tous mes intérêts », dit-il.

« On a visé l’international », ajoute-t-il, « parce que je voulais m’assurer que nos œuvres soient vues par le plus grand nombre possible de personnes. Nous faisons de l’interactif car sans interaction, c’est mort, c’est un instrument dont personne ne joue ».

« Nos œuvres nécessitent une interaction. Voilà pourquoi nous les exposons dans les places publiques, partout au monde, car c’est là que se trouve le public ».

Cet effort semble avoir porté fruit puisque le travail d’Iregular a été présenté dans 25 pays à travers le monde, dont les Pays-Bas, le Mexique, la Suisse, la France, l’Autriche, l’Espagne, le Royaume-Uni, les Émirats arabes unis, la Chine, la Corée du Sud et les États-Unis.

SOLSTICE n’en est qu’à ses balbutiements. Après Houston et Chicago en 2022 et 2023, l’expérience est maintenant offerte dans le Quartier des spectacles à Montréal depuis le 30 novembre 2023 jusqu’au 10 mars 2024.

@Iregular, crédit photo : Lawrence Elizabeth Knox, 2022

Elle est disponible pour des tournées au Canada et aux États-Unis, mais pas ailleurs pour l’instant, car il s’agit d’une œuvre très volumineuse, donc coûteuse à expédier sur les plans financier et écologique. Daniel n’exclut pas la possibilité de l’emmener en Europe et de la laisser. « Ce que nous voulons éviter, c’est de sauter d’un continent à l’autre à chaque exposition ».

L’investissement initial n’a pas encore été récupéré, mais les prévisions sont optimistes. SOLSTICE devrait être rentable après sa cinquième exposition, ce qui signifie qu’il ne lui reste plus que deux expositions pour réaliser des bénéfices.

Qu’est-ce qui contribue aux succès du studio ? « Depuis que nous avons commencé à créer des projets, nous nous intéressons à ce qui est commun partout, de sorte que nous pouvons créer un projet à Montréal et le présenter dans le monde entier. Ce qu’il faut faire, c’est essayer de trouver cette essence ».

Cette essence est peut-être l’ingrédient secret. On en arrive à une formule gagnante en conjuguant cela avec le credo du studio Iregular : « les réactions des participants influencent l’œuvre d’art tout autant que l’œuvre d’art les influence. Seule sa relation avec les individus lui donne un sens ».

 1Source : Iregular Unveils Monumental Interactive Public Art Installation, SOLSTICE (« Iregular dévoile une installation d’art public interactive monumentale, SOLSTICE »).