SCULPTER LE BIEN-ÊTRE par Float4
Crédit photo : Sharif Mirshak
Étude de cas réalisée par :

Entretien réalisé avec Sarah Ouellet, Directrice de création, Float4.
DÉFI : Susciter un sentiment d’appartenance à l’univers du Hyatt Regency Orlando à travers une collection d’art numérique pour faire vivre aux visiteur.euse.s une expérience aussi luxueuse que reposante et mémorable.
ACTEUR.ICE.S : Float4, un studio de design immersif qui repousse les limites de la créativité grâce à des idées innovantes poussées par la technologie pour amplifier les espaces physiques, et plus spécifiquement l’équipe dirigée par Sarah Ouellet, directrice de création.
CAS : Everbloom, Ripple, Lanternes, Sky gradients, Allure, Memorabilia, Reef et Lotus, un parcours de huit œuvres d’art numérique inspirées par la nature et la matière, qui s’adaptent à la fois au lieu, aux composantes technologiques déjà en place, mais aussi et surtout aux besoins de l’auditoire.
SOLUTION : Créer des œuvres d’une qualité et d’un raffinement si indéniables qu’on oublie qu’elles sont dans un écran.


Float4 est né en 2008 de la vision de créateurs issus de l’industrie du jeu vidéo fascinés par le potentiel des environnements multimédias dynamiques. Leur mission : repousser les limites de l’expérience numérique dans les espaces physiques et livrer des projets ambitieux que les autres concurrents considèrent impossibles à réaliser. Dès sa création, Float4 avait l’intention ferme de concentrer ses efforts sur les marchés internationaux, où le potentiel était beaucoup plus grand selon eux.
« Ce qui est unique chez Float4, c’est qu’il n’y a pas de format qu’on ne peut pas attaquer. Que ce soit une guitare mappée en basse résolution à Miami ou des écrans traditionnels dans un hall d’entrée d’un hôtel de luxe, on se projette dans le lieu pour offrir l’expérience la plus évocatrice. La force de la création chez Float, c’est qu’on n’est jamais limités par le format. Au contraire, la nouveauté et le défi technique nous stimulent à raconter des histoires différemment ».
Sarah Ouellet, Directrice de création

Sarah Ouellet, Directrice de création et Alexandre Simionescu, PDG.
La technologie au service de l’émotion
« Malgré le fait qu’on utilise beaucoup de technologies numériques, le but ce n’est pas la technologie en soi, mais ce que les gens en retirent. Avec tous nos clients, la question la plus importante c’est : quelle émotion ou souvenir souhaitez-vous susciter chez les gens ? », nous a expliqué Alexandre Simionescu, PDG, lors de la dernière Tournée Xn, une matinée de réseautage chez Float4 le 27 mars dernier.
Plus on maîtrise la technologie, plus elle permet de sortir des considérations techniques pour réellement se concentrer sur l’émotion et l’interaction entre l’humain et l’œuvre. C’est dans cette optique que Float4 a développé son propre moteur de rendu en temps réel, Realmotion™, d’abord conçu pour ses besoins internes avant d’être commercialisé. Son objectif : offrir aux acteur.rice.s de l’industrie des serveurs multimédias en temps réel, exploitant l’accélération graphique matérielle pour des applications audiovisuelles professionnelles, capables d’alimenter des installations de toutes tailles.
C’est donc pour sa grande adaptabilité que l’hôtel Hyatt Regency Orlando a approché Float4 avec un défi unique en son genre : celui de créer une stratégie de contenu complète pour les écrans de leurs espaces communs, dont la première oeuvre devait être livrée en deux mois et déclinée en plusieurs formats et tailles très variées.

Crédit photo : Sharif Mirshak
L’objectif principal de ce mandat était de créer une expérience artistique immersive basée sur trois thèmes centraux : l’harmonie du monde naturel, le rythme de la connexion humaine et le charme de l’art contemporain.
On peut dire que c’est mission accomplie, puisque Float4 a déjà reçu un prix MUSE 2025 – Catégorie Expérientiel et Immersif – Expérience de marque immersive pour cette collection d’œuvres d’art numérique.
Contenu de marque et Art contemporain : une opportunité à saisir
Lorsqu’on souhaite incorporer l’art traditionnel dans un espace comme un hôtel, la logique voudrait que l’on aille chercher les toiles d’un artiste dans une galerie ou par l’entremise de marchands d’arts spécialisés. Choisir parmi des œuvres déjà réalisées avec une intention propre à l’artiste relève d’une démarche artistique authentique. Alors que pour l’art numérique, la manière de procéder est complètement différente, et c’est légitime, car selon Sarah Ouellet, le fait de faire appel à des expert.e.s pour créer une œuvre exclusive et sur-mesure contribue à la rendre noble, lui apporter de la valeur et permet de la démarquer de la multitude d’œuvres numériques déjà existantes ou que l’on pourrait obtenir pour un coût moindre.
Dans cette optique, toujours selon Sarah Ouellet, il importe de continuer à repousser les frontières des formats et de s’entourer d’artistes spécialistes de niche, tout en s’adaptant à la vision des clients. Elle affirme par ailleurs qu’il s’agit de la meilleure stratégie pour susciter l’intérêt d’autres clients dans le domaine hôtelier.
Non seulement la taille des écrans (dont un de six mètres de largeur), leur positionnement dans l’espace et la diversité des formats attirent l’oeil, les multiples détails et éléments en mouvement intégrés aux œuvres incitent à la contemplation de longue durée, à la curiosité et à la déconnexion, une valeur ajoutée dans un contexte de bien-être, que les hôtels cherchent à susciter.

Crédit photo : Sharif Mirshak

Crédit photo : Sharif Mirshak
Comme l’art numérique possède une grande flexibilité, une capacité d’adaptation infinie et une nature intrinsèquement dynamique, il ouvre de nouvelles perspectives en transformant en profondeur l’expérience et la manière dont le public interagit et se connecte avec une œuvre. Autant cette complexité est remplie de potentiel, le travail d’équipe, où chaque artiste a sa spécialité, est crucial.
Autant de défis que d’œuvres à réaliser
De façon générale, huit personnes (employé.e.s et spécialistes externes) ont travaillé sur des couches différentes de la création de l’œuvre selon leur spécialité, encadrées par la directrice de création.
Pour arriver aux résultats souhaités, il leur a fallu parfois utiliser jusqu’à cinq logiciels avec des spécialités différentes afin de réaliser toutes les couches de la pièce et ajouter de la vie de façon réaliste, comme les papillons et les coccinelles qui se promènent autour de la branche de l’œuvre Everbloom, détail qui à ce jour suscite le plus de réactions auprès de la clientèle.
« Ce projet nécessitait de travailler avec une multitude de spécialistes de niches très précises, comme un expert en modélisation sculpturale pour Reef et un Creature animator pour Allure. En fait, chaque pièce a exigé un casting. Beaucoup d’artistes généralistes font un peu de sculpture, mais ne sont pas nécessairement experts pour rendre une œuvre au niveau des exigences de qualité que nous avions pour ce projet ».
Sarah Ouellet, Directrice de création
L’une des pièces iconiques de la collection, Allure, présente un cheval qui court au ralenti. Ici, l’intention n’était pas de représenter le réel à la perfection, mais plutôt de se demander comment le cheval devrait courir pour que ça ait l’air naturel, tout en générant un sentiment de noblesse à mi-chemin entre le réel et la sculpture.

Crédit photo : Sharif Mirshak
Dans ce cas précis, l’équipe de Float4 devait se demander : « À quoi devrait ressembler un cheval qui soit on brand pour la marque Hyatt? Comment élever la nature au niveau de l’art contemporain et quelles matières intégrer à l’espace digital pour en transformer la perception? »
Absolument rien n’est laissé au hasard et chaque détail compte, y compris s’assurer que le cheval cligne des yeux à la vitesse idéale et trouver la texture parfaite pour le pelage de l’animal.
L’équipe s’est aussi rendue sur place et plusieurs ajustements ont été nécessaires, car les œuvres devaient s’adapter à la lumière et au moment de la journée. Pour offrir une expérience visiteur optimale, la collection est pensée en parcours.
« Le lieu est tellement important! On se demande : c’est quoi, la relation entre les gens et les pièces lorsqu’ils les voient pour la première fois, combien de temps s’attardent-ils à contempler une œuvre, quel endroit visitent-ils en premier? Tout ça permet de développer un parcours cohérent, de raconter une histoire de façon plus consciente et de s’adapter à l’énergie du lieu, aux volumes architecturaux et aux moments de la journée. Le taux d’occupation de l’espace indique aussi s’il faut calmer l’atmosphère ou renforcer l’action ; tout ça fait partie de la réflexion. » explique la directrice de création.
La valeur inestimable de l’art numérique
Lorsque Sarah et son équipe ont présenté la stratégie, un autre aspect important était de convaincre le client qu’il fallait éviter les cycles trop rapides de diffusion des oeuvres, ce qui contribuerait à en diminuer la valeur artistique et à surstimuler l’auditoire.
« L’œuvre fait partie prenante du lieu, ce n’est pas du divertissement. Elle est là pour une raison et cohabite avec l’espace, l’architecture. Nous tenions à ce que les œuvres restent en place pendant au moins trois heures, car sinon, ça redevient une télévision et c’est ce qu’on veut éviter, que ce soit du consommable. »
Le mandat réalisé par Float4 pour le Hyatt Regency Orlando est inspirant, car il démontre que certaines marques sont prêtes à prendre le pari d’investir dans une proposition résolument artistique afin d’affirmer leur positionnement et se démarquer de leurs compétiteurs. Il y a certes un risque à accorder une telle liberté créative à un studio, mais ce risque est largement compensé par l’authenticité et la valeur artistique des oeuvres finales, qui contribuent au bien-être et au sentiment d’appartenance de la clientèle, tout en demeurant parfaitement en phase avec l’ADN de la marque Hyatt.
Bien que le calcul du retour sur investissement pour ce genre de projet soit complexe et comporte des défis de taille, il serait intéressant d’obtenir des données permettant de mesurer l’impact de ce parcours d’œuvres sur la perception de la marque, la satisfaction de la clientèle ou sa fidélisation. De telles données contribueraient à démontrer de façon quantifiable comment la créativité numérique peut constituer un atout majeur pour la croissance et la différenciation des marques de luxe.
Notons par ailleurs que, suite à l’installation des œuvres, la vente de l’hôtel a été finalisée à un prix record de plus d’un milliard de dollars américains et représente la plus grande vente d’actif unique de l’histoire de Hyatt.