Le terminal C – Un environnement immersif plus grand que nature!



Étude de cas

Gentilhomme Studio

@Gentilhomme, crédit photo : Mathieu Gibeault


Étude de cas réalisée par :

Danielle Desjardins, La Fabrique de sens

Entretien réalisé avec Thibaut Duverneix, fondateur, PDG et directeur exécutif de la création, Gentilhomme Studio

DÉFI : Remporter un contrat d’envergure pour un projet international et le mener à bien pendant la pandémie.

ACTEUR : Gentilhomme – Studio multidisciplinaire expérientiel fondé par Thibaut Duverneix en 2014, qui rassemble en un seul studio créatif des réalisateurs, des designers, des codeurs, des producteurs, des artistes d’effets visuels et des musiciens. Le studio offre des services de création et de production de films, d’expériences interactives, d’installations et de spectacles. 

CAS : Conception d’une série d’expériences immersives pour le nouveau terminal C de l’aéroport international d’Orlando en Floride, un projet de près de 4 milliards de dollars canadiens. Des heures de contenus originaux ont été réalisées grâce à l’utilisation de technologies innovantes en images de synthèse, en intelligence artificielle, en tournage cinématographique et en prise de vue sous-marine, ainsi qu’en utilisant un système de captation de mouvement 3D, qui permettent aux passagers d’interagir en temps réel avec le contenu visuel immersif. 

SOLUTIONS :

Déployer une équipe multidisciplinaire rompue à une approche sur mesure qui intègre toutes les étapes — du prototypage, à la conception et à la production — de projets de création numérique de n’importe quelle échelle, et ce, partout dans le monde.

Utiliser des outils numériques et virtuels développés par le studio pour son usage interne afin de résoudre les enjeux causés par l’impossibilité de voyager en temps de pandémie, comme la difficulté de montrer au client le résultat final à l’échelle et l’impossibilité d’effectuer le repérage des lieux de tournage.

@Gentilhomme, crédit photo : Maxime Roux
@Gentilhomme, crédit photo : Maxime Roux

D’abord se qualifier

Remporter le contrat pour une série d’installations d’art numérique destinées au nouveau terminal C de l’aéroport international d’Orlando, Floride, le dixième aéroport aux États-Unis et le trente-et-unième dans le monde, en raison de la popularité d’Orlando comme destination touristique, un défi de taille pour la petite équipe de Thibaut Duverneix.

L’appel d’offres public portait sur la conception d’un environnement média expérientiel qui serait intégré à l’esthétique architecturale du terminal et ferait découvrir la Floride centrale. Plusieurs acteurs mondiaux de la scène multimédia ont été sollicités pour répondre à cet appel d’offres très complexe dans sa nature :

Quand on demande une solution pour un projet de cette envergure-là, souligne Thibaut, ça demande des compétences très nichées en termes de créativité et de production. La nature du contenu est très variée, il y a de l’interactif, des images générées par ordinateur, du tournage, mais en plus pour des formats qui sont super complexes. Ça doit être adapté à l’architecture, ça doit quand même fonctionner dans des formes et des contextes qui sont très différents de ce qu’on est habitué à faire pour des écrans. 


Il n’y a pas beaucoup de compagnies dans le monde qui sont capables de faire ça, estime-t-il. C’est comme avoir plein de compagnies en une seule. 

C’est sans doute parce que Gentilhomme est l’une de ces rares compagnies qu’elle a été invitée à participer au processus de l’appel d’offres. Quoi qu’il en soit, la Greater Orlando Airport Authority (GOAA) a retenu deux candidatures à la suite de la première étape du processus, soit la demande de qualifications (RFQ, request for qualifications) pour laquelle les fournisseurs potentiels doivent détailler leurs antécédents et leur expérience. 

Gentilhomme étant l’un des deux studios sur cette très courte liste, l’équipe a été invitée à présenter sa proposition en personne à Orlando. Et a remporté le contrat! 


À projet de taille, défis de taille!

Partenariats

Le terminal C est un projet gigantesque qui a coûté près de 4 milliards de dollars canadiens. 

« Nous, ce qu’on a fait là-dedans, c’est une goutte d’eau par rapport à cette échelle, mais c’est quand même substantiel », raconte Thibaut. Le défi pour Gentilhomme : maintenir le contrôle sur les éléments importants de sa prestation, notamment la gestion des partenariats, dans un contexte où une société parapluie (umbrella company) gère le très grand nombre d’entreprises et d’activités impliquées. 

Heureusement, Gentilhomme était l’une des deux seules compagnies à avoir un contrat directement avec les autorités de l’aéroport, ce qui, selon Thibaut, représentait un avantage : « Ça facilite beaucoup de choses, les seuls partenaires qu’on avait, c’est les partenaires qu’on avait choisis ; on avait donc 100% de contrôle sur ce qu’on faisait. C’était quand même assez simple. » 

Ce qui était compliqué, c’était de créer et de produire, en parallèle, plus de cinq heures de contenu pour 70 capsules — cinématographiques, interactives et en images de synthèse — programmées pour suivre le parcours des millions de passagers attendus dans le terminal, en tenant compte du temps d’attente, de l’heure de la journée et des saisons.

@Gentilhomme, crédit photo : Maxime Roux

Pandémie

Deuxième défi : Gentilhomme s’est vu confier le projet en janvier 2020 et un mois plus tard, la pandémie s’invitait pour changer complètement les plans.

Dans un contexte normal, faire voir les segments de contenu au client pour son approbation était déjà compliqué étant donné la taille gigantesque des écrans (près de 10 mètres de haut) auxquels on les destinait. « On a beaucoup de processus pour faire ça, ça inclut souvent des ateliers qu’on aurait fait en personne avec le client avec de la technologie qu’on a développée au studio ». 

Mais puisqu’il n’était pas possible de voyager, l’équipe a tiré profit d’outils normalement utilisés à l’interne : « On a fait tout ça en réalité virtuelle. On leur a envoyé des casques et on a tout fait en simulation. Le client pouvait mettre le casque de réalité virtuelle et voir son projet final alors que le terminal n’était pas construit. Il pouvait marcher dedans, ainsi que voir le contenu dans les structures prévues, ça nous a énormément aidé. On travaille comme ça pour se donner des sens d’échelle. »

La pandémie a également forcé le studio à recourir à un autre outil numérique : le repérage pour les trois semaines de tournage s’est effectué virtuellement sur Google Earth puisqu’il était impossible de se rendre sur place.

@Gentilhomme, crédit photo : Maxime Roux
@Gentilhomme, crédit photo : Maxime Roux

Logistique

Le déroulement d’un chantier de cette envergure est beaucoup plus long que celui d’un spectacle, le type de projet avec lequel Gentilhomme était davantage familier. « Un projet comme ça, on le ferait en 9 mois ; mais là, ça s’est étalé sur un peu plus de 18 mois ».

En outre, il s’agissait ici de suivre un chantier de construction qui possède ses propres étapes de fabrication et d’approbation. « Il a fallu être agile pour comprendre les enjeux puis valider des choses au fur et à mesure », explique Thibaut. 

Par exemple, Gentilhomme a organisé des ateliers dans son studio avec des maquettes à l’échelle des structures prévues afin de valider des positions de caméra et de capteurs, mais surtout l’interactivité à une échelle 1 pour 1. Cet atelier a permis de confirmer le type d’interaction que le public allait avoir ainsi que de comprendre les comportements en utilisant comme testeur des échantillons de personnes qui ne connaissaient rien du projet.  

C’est grâce à des processus de production éprouvés comme ceux-là que Gentilhomme Studio a acquis la réputation de mener ses projets à bien. « Il faut également traiter le client avec respect », nous dit Thibaut. « Quand on fait affaire avec des clients qui veulent acheter de l’art et dont les journées sont plutôt remplies d’achats de béton, de métal et de conception de plans électriques, on prend vraiment le temps d’expliquer comment on va procéder et comment on va s’insérer dans leurs processus pour que ce soit facile pour eux. En général, ça fonctionne très bien parce qu’ils s’y retrouvent et ont du plaisir à travailler avec des gens avec qui ils travaillent rarement. »

Leçons à tirer

Il n’est pas toujours nécessaire d’être une grosse boite en création numérique pour décrocher des contrats d’envergure et les mener à bien. Ainsi, Gentilhomme comptait à peine une demi-douzaine d’employés au moment de l’appel d’offres en 2019. L’effectif, qui est monté à 80 pendant le projet, est aujourd’hui passé à 25. 

Pour Thibaut Duverneix, la croissance est un choix. « On a vraiment étudié comment on voulait que la compagnie grandisse », explique Thibaut. « On a évalué nos besoins et le genre de projet qu’on veut développer dans les dix prochaines années et on a développé un plan de croissance en fonction de ça, et pas nécessairement en fonction de ce projet-là. La croissance, c’est un peu un vieux modèle. On n’est pas obligé de toujours grandir et moi je considère le studio plus comme un atelier d’artiste finalement. »